Gilles Petit
RETOUR A LA LIGNE

On voit une montagne, une rivière, un paysage fantastique peut-être fait de papiers collés ? On peut y voir aussi l'expression d'une humeur induite par une musique ; lyrique ou jazz ?  
L'important c'est la ligne, toutes sortes de lignes. Je les trace pour qu'elles relient, séparent, entourent, isolent, pour qu'elles partagent l'espace coloré créant ainsi des membranes, des ensembles réticulés, des territoires, des frontières, des peuples. Ensuite, il y a un choix : suivre ou non la ligne ? Franchir la ligne ? 
Parfois, sans arrêt, elles traversent le fond de part en part, divaguant et laissant leur couleur, leur trace comme des êtres vivants. Parfois elles se rencontrent, parcourent l'espace un moment côte à côte puis se séparent. Je dialogue avec elle, ne sachant pas toujours où elles m'entraînent dans leur dessein. 
Petites lignes et grandes lignes, le dessin est un être vivant. 


GRANDES LIGNES 
Exposition Atelier des Arts (Grenoble)

Arrivé sur le pont du chemin de fer, j'ai senti que la circulation automobile ralentissait, puis elle s'arrêta. Des travaux, sans doute ! En jetant un coup d'œil par dessus le parapet, je vis le spectacle immense de la gare de triage. Nous avançâmes encore de quelques mètres, et de nouveau je regardai en bas. Je vis les voies qui se livraient à une chorégraphie étrange, découpant l'espace, tantôt droites, tantôt courbes. De grandes lignes traversaient le décor de part en part. Toujours par deux, elles se rencontraient puis se séparaient, s'éloignaient tour à tour, puis se retrouvaient côte à côte, faisant naître des espaces géométriques. Elles fuyaient à l'horizon, portant leurs pâles couleurs, peut-être le souvenir de leur destination. Parfois elles s'arrêtaient, butant sur une masse informe, ou bien sans raison, devant un butoir imprévu.  
Le soleil perça entre les nuages et la pluie déplaça l'horizon. Des couleurs transparentes inondèrent le paysage. Elles arrivaient par faisceaux obliques et s'arrêtaient dans les flaques. 
Les caténaires supportées par les poteaux rigides découpaient un autre plan et provoquaient par endroits un enchevêtrement inouï. Des reflets s'amusaient à renverser le ciel.  
Je ne regardais plus car je comprenais ces mondes parallèles. 
Parallèles ou les amours impossibles...